2016 – 2017 : numéro spécial revue Territoire en Mouvement « Aux frontières de l’urbain. Petites villes du monde. Ensemble flou et transitoire ou avenir d’une société urbaine ? ».
Ce numéro complète la réflexion menée lors de la conférence internationale du même nom organisée à l’Université d’Avignon les 22, 23 et 24 janvier 2014
La revue Territoire en Mouvement prépare un numéro intitulé « Aux frontières de l’urbain. Petites villes du monde »1. Volontairement ambiguë, cette formulation invite à questionner à la fois le thème des petites villes et celui des marges de l’urbain. L’objet de cette recherche est défini aussi bien « par le bas » que « par le haut », c’est-à-dire, par opposition classique au monde rural autant que par rapport aux grandes métropoles. En effet, ces dernières ont eu tendance à devenir une icône surmédiatisée de la ville. Mais, abstraction faite de ces organismes exceptionnels, qu’est-ce qu’une simple ville ? Constitue-t-elle un ensemble flou et transitoire ou représente-t-elle l’avenir d’une société urbaine ?
L’appel à textes est proposé par François Moriconi-Ebrard, directeur de recherche au CNRS, UMR ESPACE (UMR 7300) et Cathy Chatel, post-doctorante au Centre d’Estudis Demogràfics (CED) de Barcelone.
Lorsqu’on évoque « la » ville, l’attention des médias, des chercheurs et des institutions se concentre traditionnellement sur quelques métropoles mondiales. Or, en réalité, la moitié de la population urbaine de la planète vit dans des villes petites et moyennes qui se comptent aujourd’hui en milliers2. Ce numéro propose ainsi de s’interroger sur la place des « villes », petites villes, villes moyennes, par rapport aux « grandes métropoles », à l’heure de la mondialisation, de la métropolisation et des recompositions territoriales. Cette approche laisse une très vaste latitude aux auteurs pour définir les frontières de l’urbain, qui peuvent être traitées à différentes échelles de l’espace et du temps et suivant divers points de vue : frontières économiques, sociales, politiques, environnementales, culturelles, mais aussi lisière d’un « milieu » périurbain entre rural et urbain, seuil statistique de la hiérarchie urbaine, limites de système urbain… Il n’y aurait aucune « grande métropole » si ces dernières n’étaient passées un jour par le stade « petite ville ». De ce passage obligé de la genèse urbaine, seule une infime minorité de villes se détache et évolue vers un niveau métropolitain. Sur les dizaines de milliers de villes ayant existé et existant actuellement, toutes ne sont pas devenues, et ne deviendront jamais de grandes métropoles. A l’aune plurimillénaire de l’histoire, les petites villes ne semblent donc pas se réduire à une forme transitoire entre la lente émergence de l’urbanité depuis le monde d’hier, en grande partie rural, et le monde de demain qui ne deviendrait plus qu’un réseau de métropoles globales dont les frontières sont de moins en moins lisibles.
Plusieurs thèmes peuvent être dès lors abordés. On tentera bien sûr de qualifier la société, l’économie, la place dans le politique de ces espaces situés entre grandes métropoles et villages. Dans un marché globalisé où les économies d’agglomération sont mises en avant, les métropoles semblent constituer les seuls espaces compétitifs. Or, les petites villes ont souvent été des lieux d’innovation capables de s’insérer directement dans des réseaux mondiaux3. Quels sont leurs atouts face aux grandes mégapoles ? Dans les pays du Sud, l’émergence de nouvelles agglomérations urbaines est un phénomène très soutenu. Les petites villes ont un rôle moteur dans la croissance, tandis qu’elles présentent des profils et des dynamiques hétérogènes qui s’écartent de ce que l’on observe dans les métropoles4. Dès lors, leur étude vient enrichir et approfondir le concept d’urbain. Sur le terrain, l’observation est confrontée à l’arbitraire des définitions officielles de l’urbain qui diffèrent d’un pays à l’autre, contribuant à renforcer le flou des limites objectives entre « petite ville » et « village ». Changement de fiscalité, de règles d’urbanisme, de formes de gouvernance : l’accès au statut urbain constitue ainsi un enjeu majeur pour le développement d’une localité et du territoire5. Quel est l’impact des politiques publiques urbaines sur ces villes ? Suffi t-il de déclarer une localité « urbaine » pour qu’elle le soit ? Les petites villes posent-elles des problèmes de gouvernance particuliers ou bien sont-elles à l’origine de propositions originales en matière d’aménagement du territoire ? Constituent-elles une solution « durable » pour renouveler nos modes de vie ? Comment se positionnent-elles face aux enjeux territoriaux majeurs de nos sociétés : mobilité, accès à la terre, compétition foncière, exploitation des ressources locales, approvisionnement, protection de l’environnement, développement durable, énergie. Ces enjeux dépendent clairement de formes d’organisation spatiale qui sont le résultat de processus de concentration plus ou moins intenses : clusters, corridors urbains, semis dispersés représentent-ils des types d’organisations spécifiques à ces villes de l’entre-deux ? Quelles méthodes statistiques permettent d’identifier cette partie inférieure de la hiérarchie urbaine ? Quel poids et quelle place occupe cette dernière dans l’armature urbaine et dans la population en général ? Quelle base économique explique l’émergence de ces espaces intermédiaires ou au contraire les limites de leur croissance, voire parfois leur déclin ? On s’interrogera également sur les logiques spatiales des frontières de l’urbain. Les petites villes fondent-elles et orientent-elles simplement des extensions urbaines et périurbaines de villes plus grandes ? Comment se répartissent-elles dans l’espace, en contribuant au polycentrisme ou au contraire à la concentration du peuplement par la formation de vastes conurbations ?
La diversité des terrains et des époques d’étude permettra d’éclairer ces différentes contradictions. Les regards croisés de chercheurs aux approches très diverses, aux spécialités et aux régions d’étude variées, issus de différentes disciplines sont privilégiées afin de dresser un portrait polymorphe de la petite ville, tout en réfléchissant aux méthodes employées pour cerner cet objet. Territoire en Mouvement publie principalement des travaux issus de la géographie et de l’aménagement- urbanisme. Les approches interdisciplinaires sont appréciées, autant que les approches ouvertes vers d’autres disciplines des sciences humaines et sociales (sociologie, démographie, anthropologie, économie, droit, histoire), sous la condition d’envisager la dimension spatiale et/ou territoriale de l’objet d’étude.
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